Un coucou à TOUS !!! Et partage de mon plaisir =)

Ça y est, je suis presque prêt. J’imagine la noirceur au dehors. Même pas envie … Je regarde le point de climatologie avant de me diriger vers l’entrée. Seuil de pollution à 83% ce matin. Même si j’avais ouvert mes volets, je n’aurais rien pu distinguer de bien loin. A zéro pourcent, cela nous situe dans une atmosphère où l’on peut voir à 2000 mètres. Bref, je passe la porte et ferme à clé derrière moi. Je prends le « tube », ascenseur mono-personne qui me fait descendre les 9 étages en 9 secondes.

Je suis au rez-de-chaussée. J’arrive devant le sas d’entrée. Je prends mon masque, le place en face de ma bouche et mon nez. Ce n’est pas un gros masque. Juste un élastique relativement rigide qui se raccroche derrière mes deux oreilles, et qui maintient devant mes voies orales une capsule très allongée, réserve d’oxygène. Celle-ci est reliée directement à ma bouche et l’air y débouche entre deux bouts de plastique siégeant entre mes dents et l’ouverture de la bouche. Deux autres petits tuyaux, tout fins, sont reliés à une sorte de pince nez. L’ensemble est très discret, il n’y a pas à dire. Que ce soit agréable est un autre sujet, mais c’est toujours mieux que de respirer l’air toxique de l’extérieur.

Une fois tout cela bien en place, j’ouvre la première porte et rentre dans le sas. Je verrouille dans mon dos. J’appuie sur l’interrupteur. Le sas se vide de l’air épuré et laisse l’air extérieur le remplacer. Une fois l’opération finie, j’ouvre la deuxième porte et commence à faire quelques pas dans la rue et dans cette atmosphère poisseuse. Le parcours du combattant commence. Les véhicules encombrent toutes les voies possibles. Les moteurs vrombissant dans un vacarme continu, tel un bourdonnement incessant. Eh oui, la pollution ne se résume pas à l’air ambiant. Même si c’est surement le plus ignoble. Il faut dire ce qui est, l’air est dégueulasse. Notre monde est pollué à ne plus savoir quoi faire et à couper l’envie de vivre. L’air s’est épaissi de crasse au fil du temps et est surchargé en CO2. Les cheminées industrielles ne s’arrêtant jamais, le trafic des voitures toujours plus présent malgré des idées alternatives. Les gens d’avant ont toujours pensé à court terme. Ils se sont tous retrouvés bloqués en ce qui concerne les solutions à long terme. Notre Terre s’est vue moisir peu à peu. Je continue d’avancer en désespérant d’imaginer d’ici peu mes cheveux graissant un peu plus à chaque pas jusqu’à en devenir collants et pour exagérer un peu, je pourrais dire caramélisés. Cette pensée m’arrache un sourire, chose unique et incroyablement rare en pleine rue. Il me faudra tout de même une désinfection quand j’arriverai à l’institut.

Il fait jour et notre atmosphère d’un orange-brun, et plutôt bien brun aujourd’hui, vire chaque année un peu plus vers le marron. Des couleurs éclatantes ? Ceci n’existe que dans les livres scolaires. Même nos maisons ont l’air de bidonvilles … certes technologiques, mais bidonvilles quand même. C’est un peu comme de vieilles carcasses corrodées qu’on aurait entassées pour en faire des immeubles. Des parois ferreuses et dans le meilleur des cas, résistant à la rouille. Le rêve quand on imagine le ciel bleu des années 2000. Et le fait de pouvoir voir les étoiles la nuit ! De nos jours, il faut avoir son billet ultra cher pour accéder aux tours-docks préspatiales existantes et avoir une chance de surplomber un maximum de pollution et au plus profond de la nuit, lumière toute éteinte, distinguer ces petits points par milliers nous entourant, nous englobant. C’est mon utopie. Je veux aller là-haut. Si je réussis, ça devrait être bon. Encore faut-il tenir bon jusqu’à demain et passer le cap avec brio. En tout cas, au niveau du sol, d’ici, d’où je suis maintenant, même du toit de mon immeuble de quarante-sept étages, aucune chance, vu l’épaisseur de la poisse atmosphérique, de voir quelque chose. D’ailleurs, dès qu’il commence à faire « nuit », pour autant que ce ne soit pas toute la journée, on ne voit rien du tout au sol, et si peu sur un toit qu’il y a déjà eu des chutes tragiques de nombreux étages, ou mètres de hauteur. Et dire que dans certaines villes, dans les années 2000, ils éteignaient les lumières dans le plein cœur de la nuit pour faire des économies d’énergie ! Allez leur dire ça aux chefs des Etats maintenant, voir … Ce devait quand même être magnifique. Aujourd’hui, il faut bien faire attention à ne pas se prendre une pluie acide imprévue sur la tête en plus. Avant, cela n’existait pas … les pluies acides … sauf accident, ou dans les régions très volcaniques, après éruption. À présent, c’est notre quotidien, dû à cette pollution stagnante, accumulée et croissante. Et ce n’est pas tout.

Les carburants terrestres, pétrole, gaz, ne sont plus que très rares, très chers et puisés très en profondeur. Mais cela n’arrête pas les industriels de finir de piller sous la carcasse de notre planète. Et pour compenser les manques, ils ramènent même des énergies fossiles depuis la planète Mars. Cela fait suite aux programmes spatiaux développés dans le temps. En effet, avec la vitesse de voyage atteinte aujourd’hui, cela est « moins cher » et en tout cas bien plus simple, que de développer des énergies parallèles. En même temps, vu l’état de l’atmosphère, beaucoup se retrouvent maintenant limitées. Le vent étant soit inexistant, soit beaucoup trop fort dans telle ou telle région, il est impossible de l’utiliser ; le juste milieu n’existe plus. Les rivières et fleuves se sont acidifiés, leur écoulement est de plus en plus difficile et dangereux. La chaleur, le thermique … ah, ça oui, on en a même trop … l’hiver le plus rude sur Terre passe juste sous le zéro. Alors imaginez ce que peuvent donner les étés. Cette énergie est puisée, mais l’instabilité de plus en plus importante des sols terrestres sont en train d'avoir raison d'elle. Le nucléaire et le charbon règnent quant à la production de l’électricité. Et l’énergie du soleil me direz-vous, les rayons solaires … dans l’atmosphère ? Ces fameux rayons ne passent pratiquement plus, alors à quoi bon ! Mais, là est toute l’ironie, c’est cette énergie qui a permis un développement sans pareil des voyages spatiaux. C’est une chose assez incroyable en soi : les vaisseaux qui assurent la liaison avec la planète rouge sont finalement les seuls à être « propres ». Ils utilisent l’énergie solaire par les rayons et les vents solaires. C’est un système hybride entre voile solaire, conversion des photons avec une sorte de réaction nucléaire en énergie propulsive, le tout couplé avec un système de récupération de chaleur qui compresse des gaz expulsés ensuite pour propulser les appareils. Ces fonctionnements ne permettent pas de sortir de l’atmosphère, les vaisseaux ont donc un décollage facilité par deux plates formes stabilisées en très haute altitude. Des constructions gigantesques de l’homme, aussi invraisemblable que cela puisse paraitre. Il y avait les tours-docks préspatiaux pour les premiers voyages, puis ils n’ont peu à peu plus servi que de relais à ces deux plates-formes ionosphériques mises en service il y a tout juste 20 ans, au moment de ma naissance. Elles utilisent les mêmes types de réacteurs à conversion-fission de photons que les vaisseaux pour les maintenir dans les airs. Cela nous donne une sorte de demi-ascenseur spatial, mais sans câble relié au-delà de l’orbite géostationnaire. De là, les vaisseaux sont propulsés par des sortes de gigantesques treuils, comme depuis la base lunaire, et sortent sans trop de problèmes de l’enveloppe gazeuse terrestre. Leur force de propulsion leur permet ensuite de rallier la planète rouge avec plus de facilité et avec les vitesses atteintes maintenant en une semaine et demi. Et je ne parle pas des propulsions FTL d’exploration qu’utilisent les Volontaires. Classiquement, les trois formes de propulsion fonctionnent de concert, comme des partenaires, et propulsent le vaisseau sur des trajectoires orbitales d’accélération autour de la terre qui amplifie de plus en plus la poussée des appareils. En fait, l’appareil accélère jusqu’à vaincre la friction atmosphérique pour augmenter sa vitesse de façon exponentielle en utilisant la gravitation naturelle de la planète. Une fois projetés dans l’espace, l’absence de résistance permet de conserver au maximum cette vitesse de croisière. Quelques calculs sont certes nécessaires pour prendre en compte les éruptions solaires et des objets divers pouvant interférer sur la trajectoire. Seulement, quasiment personne ne peut profiter de tout cela. Les industriels et les gens les plus riches, s’offrant des vacances de luxe avec ce qui reste d’air pur … si l’on considère qu’il puisse en rester. Pourrais-je un jour profiter de cette immensité, l’air je n’y crois plus, l’atteindre et la … dépasser ? Je veux y croire, je serai bientôt fixé.

Pour en revenir à notre pauvre vieille Terre, le niveau de vie n’est donc pas super, excepté pour 0,2% de la population (riche et dirigeante … eh oui, étrangement les deux vont très souvent ensemble). Pour ce qui est du train de vie, c’est autrement plus oisif, c’est sûr. Les machines, les robots, ont remplacé les Hommes dans la majorité des tâches. Le travail nécessitant absolument une présence humaine est réparti sur l’ensemble de la population, les 17 milliard de Terriens, à raison d’environ douze heures par semaine par tête, dûes aux Etats. Avoir du temps c’est parfait, mais pour profiter de quoi ? De quelle Vie ? De la moisissure terrestre ? Mes parents ont tout fait pour que je puisse faire autre chose, voir autre chose. Partir. Ils sont ingénieurs, enfin ingénieurs-réparateurs des anciennes technologies, et plus spécialement du développement parallèle. Ils ont toujours cru à l’alternatif et au fait que la Vie, saine, ne doit pas avoir de prix. C’est en fait relativement une tradition familiale. Il y a même des époques où certaines personnes de la branche de la famille furent condamnées pour outrage et opposition aux autorités et développement de substances et systèmes interdits et dangereux. Pour dire vrai, mes parents sont en fait en partie dans l’illégalité. Si les Etats savaient tout, ils seraient hors-la-loi. Cependant, ils font tout pour rester anonymes. Et ce n’est pas maintenant qu’ils s’exposeront, de peur de tout faire rater pour moi. Je pourrais me retrouver radié en quelques minutes sans n’avoir pu rien dire, ni rien fait personnellement. Il faut que je m’en tienne à mon plan à long terme. Mes parents m’ont tout appris, et sans avoir été sélectionné génétiquement à la conception, mes parents ont refusé, je suis tout de même dit surdoué. En même temps, lorsque je vois la réflexion de personnes qui sont avec moi dans la formation, je me dis qu’il ne vaut peut-être mieux pas être sélectionné génétiquement et laisser la nature œuvrer au mieux.

Maintenant, je suis en internat, en fin de cursus. J’ai réussi voilà trois ans à rentrer, en étonnant plus de monde que je ne croyais possible, dans le programme des cadets de l’espace. J’ai peut-être bien ma chance de devenir pilote de navettes. Puis pourquoi pas de commander mon vaisseaux. Mon rêve serait de faire partie des volontaires à l’exploration. Possiblement inutile si mon plan fonctionne, mais il faut des assurances en cas de besoin et de retardements. Être Volontaire, c’est aller chercher de la Vie ou des endroits pouvant l’accueillir, avec des couleurs … choses qui disparaissent sur Terre. Mais pour atteindre ce but, il faut franchir les étapes. Demain, il faut que je réussisse mon test. Oui, mon test, demain … sur simulateur de navette. Si c’est bon, alors d’ici un mois je serai stagiaire en formation. Je serai en train d’attendre, sur la plate-forme ionosphérique Eurasia, d’être transféré au centre Tumus, sur la lune. C’est le centre de formation des futurs pilotes. Je serai alors en apprentissage, en vol réel dans l’espace. D’abord en patrouille spatiale, puis ensuite je pourrai demander à accéder à un statut de pilote de navette. Tous les plans de construction dont j’ai besoin, mis au point avec mes parents, sont en lieu sûr.

C’est pas que je stresse, mais bon … C’est l’échéance de ma Vie, et c’est demain. Je n’aurai pas de deuxième chance. Nous n’avons plus le droit à l’erreur dans notre société. J’ai toujours bien réussi mes simulations jusqu’ici, il n’y a pas de raison. Aujourd’hui, c’est un peu la répétition générale. J’entre dans le centre de formation, bien motivé, plein d’envie, en pensant au futur que … peut-être … En avant.